Editho décembre 2008

Publié le par Trémalo

édith me dit qu’elle s’en fout de la politique
  

     

Nous ne voyons rien du plateau réel de nos réflexions, enjugués que nous sommes dans la pensée individuelle ou les idéologies, ainsi dans l’interprétation solitaire du sourire de la petite centaurée qui n’est pas farouche comme dans l’attente d’un discours collectif sur les fraternités possibles.

Peguy disait que l’on va de la mystique à la politique. La politique c’est surtout du langage. Plus généralement, la langue, selon le philosophe Clément Rosset, n’attrapera jamais le réel qualifié alors d’idiotie, puisque non passé par le filtre de la pensée inhasardeuse par essence ou pour mieux dire déterministe. La politique est donc sous cet angle un simple apprêt, un isolant de la matière même dont elle prétend nous entretenir. 

Parallèlement, on saisit mieux la vigueur du tremble d’une ramée de feuilles de châtaigniers à 500 mètres de l’œil que les tourments de la lippe d’un interlocuteur pétrit de ses constructions philosophiques que la ruine menace à chaque embardée.

J’ai toujours vu le lierre comme un compagnon de fortune, je me suis coltiné ses crampons jusqu’à n’y plus voir goutte. Je redoute ici une imagination par trop fertile, celui qui voit étant mon double qui s’imagine un autre double, le lierre. Celui-ci voit-il le mur comme son frère et le mur voit-il à son tour un double dans les stigmates de mon visage ?

Je me souviens qu’au delà de la baignoire de réel qui m’entoure, je participe du formica de la baignoire de réel de tout à chacun, de celui des bêtes et des arbres également.

On est pas loin de la notion qui traite, en poésie, du « recul immédiat »  lors de l’apparition de l’image lorsque Clément Rosset aborde la question du surgissement simultané du réel et de sa représentation :

La représentation immédiate du réel est ainsi la condition, ou plutôt la définition même, de la panique. Le dictionnaire Robert, après avoir rappelé l’étymologie du mot (qui dérive du Pan, dieu qui passait pour effrayer les esprits), définit la panique comme une terreur qui trouble subitement et violemment l’esprit. L’origine de cette « terreur panique », au-delà du dieu Pan qui la symbolise, n’est autre que le réel, que la réalité quelconque, dès lors qu’elle se présente subitement à l’esprit, c’est à dire sans laisser à celui-ci le temps d’aviser, la possibilité de « se retourner » par cette opération de volte-face qui est l’habituelle et humaine façon de faire face à quoi que ce soit.

Aussi, on peut avancer que le sentiment de cette panique est la configuration extrême de l’esprit qui n’est généralement que peu aux prises avec l’explosion des roquettes à Kaboul ou l’atterrissage non prévu de la buse dans les phares du matin.

Lorsque dans son livre Quand vient la fin, Raymond Guérin évoque la modification d’un réel harassé en un réel quasi-joyeux, celui de son père, suite à un simple changement de rythme et de lieu, cela se fait sans peur et sans crainte et malgré tout on a guère l’impression que ce père ait eu le loisir non seulement d’en mesurer les bienfaits mais encore de s’en « aviser » :

En réalité, le bien que lui fit ce séjour dépassa toutes les espérances. Le dépaysement, des figures nouvelles, des paysages auxquels mon père n’était pas habitué, le changement de nourriture, les distractions de l’hôtel, les promenades qu’il s’imposa le transformèrent. Quand il revint, quinze jours après, on ne le reconnaissait plus. (…) Mais dès le lendemain de son retour il se calfeutra à nouveau, passant sa journée assis dans un fauteuil, somnolent ou la tête basse comme qui songe à de graves pensées. C’était en vain qu’on lui répétait qu’on le jugeait mieux. Il ne voulait pas le croire.

On peut lire ici toute l’importance des « conditions » de la vie réelle qui ne sont pas l’habitude et qui ne sont pas non plus dans l’interprétation du réel imaginé mais elles traînent dans son déplacement ; non pas dans la persistance de sa vacuité mais dans les variétés d’une pensée distraite. Le dépaysement cela n’est rien d’autre qu’un pas de côté et c’est une révolution en soi.

Soyez de bons élèves comme vous avez été de bon révolutionnaires (Paul Nizan).

OH.


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